Divers techniques de restauration des supports papier

Toute intervention sur un document patrimonial doit être lisible, réversible et honnête et doit viser la conservation du maximum de composants d’origine. On associe toujours le respect de l’existant et la nécessité de sauvegarde de l’information dans le cadre d’une intervention minimale, conforme à la nature de la pièce traitée et aux objectifs futurs de conservation et de communication. On choisira systématiquement la stabilisation et la consolidation des éléments détériorés, plutôt que leur remplacement.

Visite du document et de la reliure

Avant toute intervention, la structure du document est visitée, quant à sa reliure, sa brochure sa couture et de l’état général de ses feuillets. A ce stade, nous vérifions la concordance avec les éléments du devis proposé au marché et confirmons la procédure d’intervention (contenu de l’intervention de restauration, débrochage ou non, dépose de reliure ancienne, restauration de la reliure d’origine, confection d’une nouvelle reliure avec ou non réincrustation des éléments anciens…). Nous revenons vers le service concerné si nous décelons un manque de cohérence.

Rapport photographique

Nous réalisons des photographies avant, pendant et en fin de travaux et nous les fournissons sur DVD ou DDE. De plus lors des cas de restaurations délicates rencontrées, nous proposons de vous fournir un rapport d’intervention détaillant le ou les problèmes rencontrés non décelables avant les travaux et les solutions de restauration mises en place (avec votre accord après consultation des services concernés).

Désinfection – Décontamination

Oxyde d’éthylène :

Nous ne pratiquons la désinfection gazeuse à l’oxyde d’éthylène (Immersion pendant 6 heures en autoclave dans un mélange d’oxyde d’éthylène et de CO² (STEROXAL 10), suivie de 6 « lavages » alternant mise sous pression et vide poussé, puis d’une désorption de 3 semaines en salle ventilée), que dans le cas de votre demande explicite ou de la constatation visuelle d’une atteinte micro-organique confirmée par une analyse micro-organique. Généralement et conformément à la tendance professionnelle actuelle, nous privilégions toujours un brossage approfondi, éventuellement à l’issue du séjour de vos pièces dans notre chambre de pré-décontamination et de séchage par ionisation. Afin d’assécher graduellement l’excédent d’humidité des collections placées dans la chambre de décontamination, le système consiste à appauvrir l’air de son humidité par ionisation et par conséquent à retirer le contaminant biologique du support qu’il dégrade. Le traitement dure 30 jours au minimum avec un traitement de l’air à 40% d’humidité relative afin que le mycélium se déshydrate et cesse son développement. Desséché, le contaminant peut alors être facilement retiré du support par micro-aspiration. Après traitement, les ouvrages pourront être replacés dans un lieu à la thermo-hygrométrie contrôlée.

Ionisation:

La décontamination par ionisation est aujourd’hui proposée par notre atelier. Elle consiste à retirer le contaminant biologique du support qu’il dégrade, en isolant durant 30 jours au minimum les documents concernés dans la chambre d’ionisation avec un traitement de l’air à 40% d’humidité relative avant de procéder à une micro-aspiration des spores rendus inertes mais encore présents. La chambre faisant son travail, les documents vont perdre graduellement leur humidité jusqu’à ce que le mycélium se déshydrate et cesse son développement. Desséché, le contaminant peut alors être facilement retiré du support par micro-aspiration. Après traitement, les ouvrages pourront être replacés dans un lieu où le climat sera contrôlé.

Florilège de quelques techniques

Avant traitement, le document est visité, sa complétude et son foliotage sont vérifiés, les déchirures, les lacunes et défauts sont recensés.

Dans ce même temps, l’état de la couture est visité dans sa complexité et l’étude structurelle de la reliure sera effectuée afin de récolter un maximum d’information pour sa restauration ou sa reconfection après intervention sur le papier.

Dans le cas d’ouvrages reliés ou cousus, le débrochage incorpore le démontage de la reliure, du corps d’ouvrage et de la couture, l’étude complémentaire de sa structure pour une reconstitution à l’identique, selon la demande, d’une future couture.

Si besoin, les coutures d’origine (couture du bloc papier et surjetage) seront délicatement coupées à l’aide d’une pointe de reliure. De même, le foliotage complet ou partiel sera réalisé conformément aux règles pour la conservation des documents d’archives, à l’aide d’une mine de plomb.

Suppression des résidus de l’encollage antérieur (apprêture), étape généralement réalisée par cataplasme d’argile de synthèse ou de tylose.

Le brossage de surface, quand il sera nécessaire, sera réalisé à l’aide de brosses douces japonaises sur une table isolée spécifiquement pour cette opération. Le gommage sera effectué à l'aide de gommes PVC de degrés d’abrasivité variables, latex ou en poudre (selon la fragilité du support et le degré d’empoussièrement), et réalisé prioritairement sur les feuillets qui recevront une restauration papier. Ponctuellement un encrassement profond peut nous amener à utiliser la gomme Stadler sur les zones vierges d’information, cette intervention sera réalisée par des mouvements circulaires délicats afin de ne pas déchirer le papier fragilisé sans gommage direct sur les zones informées (risque de pertes de relief et d’intensité des tracés). Un second brossage permettra la suppression des résidus de gommage.

En présence de traces d’anciennes infestations manifestes, il pourra être pratiqué un dépoussiérage par micro-aspiration (aspirateur Muntz 555 HEPA) ; cette solution permettant de ne pas écraser et imprimer dans la fibre d'anciens spores. Lors d’importantes fragilités, une interface de type non-tissé ajouré sera appliquée entre le document et l’embout fin (ou la brosse) de l’aspirateur afin de ne perdre aucun fragment du document.

La stabilité des informations imprimées et manuscrites est testée à l’aide de bâtonnets de coton humidifiés d’eau déminéralisée permettant de s’assurer de l’innocuité des traitements ultérieurs. Selon les résultats et le besoin, les mêmes tests sont réalisés avec alcools, essences, cétones… Les tests de réversibilité des colles sont semblables quant aux méthodes.

L’acidité du support est mesurée par une prise de pH et une fiche d’analyse préalable à l’intervention est communiquée à l’opérateur.

Il convient avant d’intervenir davantage de mettre correctement à plat les feuillets. Nous replacerons convenablement les feuillets aux angles déformés à l’aide de plioirs, nous ôterons les plis intempestifs et selon le besoin, humidifierons légèrement les feuillets (si les encres et pigments sous-jacents ne présentent pas de solubilité avérée) les plus plissés et froissés avant de les placer sous poids entre non-tissés et buvards pour parfaire leur mise à plat indispensable à la suite des interventions.

Les fonds de cahiers collés entre eux seront décollés (soit à sec, ou par cataplasme de tylose, de Laponite (…), selon tests) pour être restaurées selon le besoin. La méthodologie de dépose des retombes collées sur les feuillets de texte est la même, avec une attention particulière apportée lors de tracés présents sous la zone encollée de la retombe.

Suivant l’adhésif et la nature de sa colle, les méthodes et produits de décollement diffèrent : à sec, sous ambiance humide (générateur de vapeur, cataplasme de tylose, de Laponite(…), chambre d’humidification, goretex…), avec eau (immersion ou flottaison), alcools, essences, cétones…  Préalablement de nombreux et méticuleux tests seront réalisés quant à la réactivité aux produits et en prenant soin des encres solubles.

Tous types d’adhésifs devront être ôtés. Seuls les anciens renforts portant préjudices à la conservation (provoquant des plis intempestifs et ondulations, mal collés, couvrant les informations…) du document seront retirés dans la mesure du possible et sans atteinte à l’intégrité du document.

Les différentes dégradations qui nécessitent un renforcement localisé sont les suivantes : déchirures ponctuelles, plis intempestifs, galeries d’insectes… Elles seront traitées par un apport ponctuel de Kizuki Kozo 6 gr crème sur une ou deux faces à l’aide de colle méthylcellulose (tylose), de colle d’amidon ou de colle hydroxypropylcellulose en fonction des encres et de l’adhérence du support papier avec le japon. Le comblage ponctuel des lacunes de petites surfaces n’est généralement pas nécessaire.

Si besoin et selon les cas rencontrés, cette étape de restauration peut être complétée par une mise sous poids des feuillets entre bondinas et foulage, pour parfaire la mise à plat des feuillets en exploitant la légère humidification ainsi apportée.

Un ébarbage soigné des matériaux de renforcement terminera cette opération.

Les papiers japonais utilisés ont un grammage adapté à la résistance du support et aux caractéristiques des fragilisations traitées (6 à 9gr/m2) Japons Kizuki Kozo 6gr / Tengujo M6 9gr / Mitsumata 11gr / Kozo K35 18 et Kozo 43 29gr / Kozo K33 40gr / Takogami 43 et 65gr / Papier japon NAO de divers grammages et colle méthylcellulose ou colle d’amidon. Cette solution n’est envisageable que dans le cas d’encres et pigments non solubles à l’eau. Dans le cas contraire, on réalisera le doublage à l’hydroxypropylcellulose (Klucel G) en solution alcoolique élaborée au bain marie. En fonction des altérations rencontrées, le doublage peut être réalisé sur une ou deux faces, en plein ou localisé à la dégradation.

Si besoin et selon les cas rencontrés, cette étape de restauration peut être complétée par une mise sous poids des feuillets entre bondinas et foulage, pour parfaire la mise à plat des feuillets en exploitant la légère humidification ainsi apportée.

Un ébarbage soigné des matériaux de renforcement, sans atteinte au papier originel, terminera cette opération.

Selon le « comportement » du papier au cours du séchage (gauchissement), une mise sous poids, feuille à feuille ou par cahier, sera réalisée entre ais de bois, protégé par du non-tissé, des buvards et du foulage.

Les feuillets ne nécessitant pas de doublage en plein mais dont la tenue (« main ») est insuffisante, nécessiteront un réencollage ponctuel. Nous le réaliserons avec de la tylose 1,5% à 3% afin de re-souder les fibres du papier et de permettre sa manipulation correcte. La mise à plat citée ci-dessus est indispensable pour parfaire cette étape.

Les retombes et les feuillets volants seront remontés en leur place originelle sur onglets de papier japonais. Après convenance avec le donneur d’ordre, ces feuillets pourront être remontés au niveau des fonds de cahier pour faciliter leur manipulation et éviter d’éventuelles dégradations (plis intempestifs, déchirures…) ou bien en tranche de tête selon l’absence de zones vierges en fond de cahier. A la demande du donneur d’ordre, les feuillets volants pourront être restitués à part avec identification possible de leur emplacement initial (foliotation).

Dans une liasse, des cahiers peuvent être de plus petit format et rendre complexe leur couture au sein de l’ensemble du bloc livre. Dans le cas présent, nous monterons le cahier après restauration, sur un onglet cousu (papier vergé ou vélin de grammage adapté). Cet onglet cousu permettra la concordance de largeur des feuillets et correspondra à la hauteur des cahiers plus grands pour faciliter la couture et harmoniser le bloc papier.

Certains feuillets rencontrés dans les liasses peuvent présenter des caractéristiques spécifiques : manuscrits comprenant des cachets de cire, extraits comprenant un cachet sous papier, lettres manuscrites présentées comme une enveloppe (tracés en recto et verso), testaments...

Ces feuillets seront traités au cas par cas selon leurs besoins : nettoyage, mise à plat, renforcement localisé, comblage, montage sur onglet…

Les gardes d’origine perdues ou trop dégradées devront être remplacées par de nouveaux cahiers de gardes aux formats adaptés en papiers appropriés (voir ci-dessus – feuillets fantômes). Dans le cas de gardes de couleur à motif, nous faisons appel aux services de Marianne Peter (marbreur installée en Corrèze) pour réaliser des papiers au plus proche des originaux après présentation d’un échantillon subsistant.

Il convient de replier les feuillets, de les reclasser afin de reconstituer les cahiers. Nous les mettrons sous poids pour leur redonner une homogénéité commune et les préparer à la couture.

Certains volumes possèdent une couture en assez bon état où seuls quelques fils présentent des faiblesses ou bien les premier et/ou dernier cahiers sont détachés. Pour éviter une intervention de débrochage et de réparations des fonds trop lourde et interventionniste, nous proposons de conserver la couture existante et de la renforcer par des points de maintien ponctuels. Pour cela nous utilisons un fil au plus proche de l’existant et rattachons ce nouveau fil aux points de couture d’origine et reprenons la couture rompue ponctuellement.

Pour les volumes concernés et après mise sous poids des cahiers, la couture sera réalisée sur ficelles, septains, rubans, lacets de cuir, à aiguillées (…) et selon les données de l’étude de sa structure prélevées lors du débrochage. Nous utiliserons du fil de lin teinté de grammage adapté pour réaliser la couture des cahiers.

La consolidation de la couture d’origine peut être réalisée ponctuellement aux cassures du fil de couture originel avec du fil de lin crème de grammage adapté, avec accès au dos du bloc-livre (dans le cas d’une restauration de reliure, le dos de la couvrure devra être partiellement déposé).

Lorsque les nerfs ou ficelles sont rompus au niveau des mors, il faut envisager de remplacer leur fonction originelle sans remplacer la totalité de la ficelle ou du nerf (prestation trop interventionniste = refaire la couture). Il convient de refaire le lien plat-couture par l’apport d’un fil de couture en lin de section appropriée, de le faire passer dans l’épaisseur du carton plat vers la garde (décollée partiellement quand possible) à l’aide d’un poinçon, de le défibrer à son extrémité, de le coller en soleil sur le plat côté garde en l’écrasant au maximum, de passer l’autre extrémité du fil sous la ficelle originelle cousue dans les fonds de cahier également à l’aide d’un poinçon et de finir son maintien dans le dos du bloc livre par un encollage en soleil incrusté de l’extrémité ressortie.

Dans la mesure du possible et selon la demande, nous réincrusterons les éléments récupérés de la reliure d’origine dans la reliure neuve (pièces de titre, étiquettes papier…).

La confection d’un nouveau titrage se fera, en premier lieu, en fonction des éléments récupérés sur l’original. A défaut, nous nous orienterons vers les services concernés afin de récupérer les informations à rapporter. Les travaux de titrage comprendront généralement trois lignes (titrage et/ou cotation) et seront effectués au film or 21 carats (Alivon - P65) sur pièce de titre en chagrin.

Le titrage de la cote peut également être réalisé sur pièce de titre en cuir ou bien de façon informatique sur une étiquette papier collée en bas du dos et ce selon les directives fournies par le donneur d’ordre.

Restauration de la reliure existante

Nettoyage à sec de la reliure d’origine :

La première étape du nettoyage à sec de la reliure consiste à brosser avec un pinceau à poils doux les 6 faces du livre. Pour la toile de la reliure, nous continuerons par passer délicatement un chiffon ultra microfibres (Stouls, Atlantis…) pour capter un maximum les poussières de surface. Ensuite, un deuxième chiffon, très légèrement humidifié, sera appliqué délicatement par rotations ponctuelles pour retirer les poussières de surface légèrement incrustées.

Dépose complète ou partielle de la reliure d’origine :

Selon le besoin, nous démonterons la reliure ancienne pour réaliser les étapes d’interventions nécessaires. De nombreuses précautions seront mises en place pour ce démontage afin de récupérer les éléments structurels réutilisables et les remonter dans la restauration. Tous les défets non récupérables seront restitués à la livraison finale des travaux.

Restauration des cahiers de garde :

Nous restaurerons les gardes d’origine le nécessitant par des renforcements localisés, des doublages en plein et/ou des comblages de lacunes selon le besoin. Une remise au ton ponctuelle peut être nécessaire dans les cas des gardes colorées ou marbrées. Les papiers utilisés pour cette intervention sont soit du papier japonais adapté, soit ceux mentionnés dans le paragraphe « Remplacement des gardes »

Restauration des ficelles ou nerfs de couture coupés aux mors :

Voir paragraphe « Consolidation de la couture et de la passure en carton »

Restauration des coins, des chants et des plats (redressement, consolidation, comblage en carton) :

Les cartons émoussés seront consolidés par l’apport de tylose, colle qui durcit en séchant et permet de retrouver la solidité requise. Les manques de carton dans les coins et les chants seront comblés par des strates de papier japonais ou de fines couches de buvard sans acide (à base de pâte cellulosique) conforme à la norme ISO 9706 encollées à la tylose. En séchant, la dureté de la colle consolide la greffe de matière qui pourra, après séchage complet, être élaguée au format voulu.

Conservation du dos existant ou réalisation d’un nouveau dos toile :

À ce stade, plusieurs besoins peuvent apparaître selon le cas de restauration rencontré. 1/ Dos de la reliure en mauvais état nécessitant un démontage du dos originel avec récupération des éléments restants, ou dos perdu. On remonte dans ce cas un dos neuf en toile de coloris demandé par le donneur d’ordre et on réincruste les éléments anciens (les pièces de titre originelles récupérables). 2/ Dos de la reliure existant en bon état de conservation. On conserve cet élément, on le nettoie et on restaure les plats selon le besoin.

Cas des restaurations de reliures en parchemin

Le parchemin est un matériau particulier qui nécessite un traitement spécifique :

  • le gommage-brossage, indispensable pour poursuivre les travaux, se fait exclusivement à la gomme en poudre (massage précautionneux plus porté sur les zones sans texte et très léger sur les zones manuscrites ou illustrées) dont les résidus sont ôtés à l’aide de brosses souples ou par micro-aspiration – selon les propriétés structurelles du parchemin la gomme latex est parfois choisie car elle ne laisse pas de résidus dans les reliefs ;
  • la mise à plat sous membranes microporeuses (gore-tex) ou en chambre d’humidification (selon la « réactivité » du document) est minutieusement contrôlée ;
  • la mise en tension est régulièrement vérifiée pour assurer un séchage complet au cœur du document (le séchage peut parfois prendre plusieurs semaines) ;
  • les réparations et comblages éventuels sont réalisés exclusivement à l’aide de papier japon maintenu avec de la colle d’esturgeon ; cependant à la demande du donneur d’ordre, les comblages peuvent être réalisés avec du parchemin ;

Nous tenons de plus à rappeler que le parchemin est une matière « vivante » fortement sensible aux variations d’hygrométrie et de température. Il arrive parfois que sur un document restauré et conditionné de façon optimale apparaissent de légères ondulations dans le temps.
Dans le cas de reliure en parchemin, soit ce dernier est restauré en place sur la reliure (dans le cas de petites lacunes), soit il est déposé pour être restauré et remis en place sur une reliure en parchemin neuve.

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